Contrôle des investissements étrangers en France : Nouvelle réforme !
Le décret n° 2023-1293 du 28 décembre 2023 relatif aux investissements étrangers en France (IEF), complété d’un arrêté du même jour, ont apporté de nouvelles modifications tendant à renforcer et préciser le dispositif de contrôle des IEF.
Ci-dessous les mesures phares de ces nouveaux textes entrés en vigueur le 1er janvier 2024 :
1. Pérennisation du contrôle du franchissement de seuil de 10% des droits de vote dans les sociétés cotées sur un marché réglementé par des investisseurs extra-européens
L’abaissement de 25% à 10% du seuil de franchissement des droits de vote dans les sociétés cotées sur un marché réglementé, institué initialement de manière temporaire par le décret n°2020-892 du 22 juillet 2020 dans le contexte de la crise sanitaire, avait été plusieurs fois prolongé, avant que Bruno Le Maire annonce en janvier 2023 son intention de l’inscrire définitivement dans la réglementation. La procédure accélérée de contrôle de ce franchissement de seuil de 10% des droits de vote dans les sociétés cotées est légèrement revue : l’investisseur réalisant ce type d’opération est dispensé de la demande d’autorisation de droit commun sous réserve que son projet d’investissement ait fait l’objet d’une notification préalable au ministre chargé de l’économie, mais il n’est plus fait mention d’un délai de 6 mois pour réaliser l’opération. Le ministre dispose toujours d’un délai de 10 jours ouvrés à compter de la notification préalable pour s’opposer à l’opération, à défaut de quoi cette dernière sera réputée autorisée.
2. Extension du contrôle IEF aux prises de contrôle des succursales en France d’entités de droit étranger exerçant des activités sensibles
Les textes visent à présent l’acquisition du contrôle d’une entité de droit français « ou d’un établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés en France ». Inspirée par la réforme du régime de contrôle des investissements étrangers aux États-Unis adoptée en 2018, cette précision tend à mettre un terme aux stratégies de contournement de la réglementation par la prise de contrôle d’établissements ou d’unités de production français au sein d’un groupe international.
3. Élargissement du champ d’application du contrôle à de nouveaux secteurs
La liste d’activités stratégiques liées aux infrastructures, biens ou services essentiels continue de s’allonger pour viser également l’exercice des missions de « sécurité des établissements pénitentiaires » et « l’intégrité, la sécurité ou la continuité de l’extraction, de la transformation et du recyclage de matières premières critiques ». La liste des technologies critiques (dernièrement au nombre de 9, incluant notamment la cybersécurité, l’intelligence artificielle, les technologies quantiques, les biotechnologies) contrôlées au titre des activités de recherche et développement est modifiée pour faire référence à la production « d’énergie bas carbone » au lieu de production « d’énergie renouvelable » et pour y ajouter la photonique.
4. Simplification de l’exemption de contrôle IEF pour les réorganisations intra-groupes
Alors que les textes prévoyaient auparavant différents cas et conditions d’exemption, il est maintenant indiqué simplement qu’un investisseur est dispensé de demande d’autorisation lorsque l’investisseur en dernier ressort dans la chaîne de contrôle avait, antérieurement à l’investissement en question, déjà acquis le contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce, de l’entité objet de l'investissement.
5. Précisions complémentaires dans les dossiers de demandes
L’arrêté harmonise les termes visés pour désigner les dossiers de demande, à savoir soit une « demande d’autorisation » soit une « demande préalable d’examen d’une activité ». Surtout, l’arrêté augmente le niveau de détail requis, ce qui est de nature à clarifier le contenu des dossiers. Ainsi, il est notamment demandé aux parties de préciser : dans l’organigramme permettant d'identifier les entités ou personnes physiques composant sa chaîne de contrôle, les pourcentages de détention en capital et en droits de vote et les éventuels droits spécifiques conférant le contrôle ; au sein de la liste des concurrents de la cible (et du groupe de la cible) en France ou en Union européenne, la part de marché détenue en France mais aussi dans l’Union européenne par chaque concurrent, pour chaque catégorie de prestations, services ou produits ; s’agissant de la liste des éléments de propriété intellectuelle de la cible, les personnes physiques ou entités détentrices des éléments de propriété intellectuelle exploités mais non détenus par la cible.
Cette réforme confirme l’importance de considérer la question d’un éventuel contrôle IEF en amont de tout projet d’investissement ou de désinvestissement en France, tout en œuvrant à davantage de transparence.